Devenu plus accessibles et plus abordables, la consommation de stimuli sexuels visuels a augmenté : 90% des hommes et 60% des femmes consomment régulièrement du porno. A l'aide des nouveaux médias et l'anonymat, les adolescents sont aussi de plus en plus nombreux à avoir vu du porno, avec un tiers des 10-13 ans et plus de la moitié à 15 ans.

L'étymologie de pornographie est un dérivé du grec ancien πόρνη (prononcé "porni") signifiant "prostituée", et γράφω (prononcé "grapho") signifiant "représentation". Contrairement à l'érotisme qui est associé à un principe artistique, la pornographie se veut explicite et doit susciter l'excitation. Ce n'est pas son ambition, mais elle peut donner une vision erronée de la réalité intime et provoquer des attentes irréalistes. Même si ce n'est pas toujours le cas, il convient de préciser, surtout avec les plus jeunes, que ce court-métrage qui pousse à l'activité solitaire n'est qu'une représentation fantasmée d'un réalisateur, au même titre que n'importe quel film. Le spécifier est utile car 8% des ados et 25% des jeunes adultes utilisent la pornographie pour se former à la sexualité. Il semble d'ailleurs que plus tôt l'individu a une conversation sur ce sujet avec ses parents ou ses amis, moins la pornographie sert d'apprentissage.

Il existe de nombreuses études qui émettent des conclusions contradictoires entre elles sur le fait que le visionnage de pornographie peut augmenter la violence ou la diminuer. Même s'il est évidemment possible qu'un individu puisse avoir un comportement influencé négativement, de ce que j'ai pu lire, il n'y a pour le moment aucune raison de pencher dans un sens ou dans l'autre. Je vous présente ici les principaux effets constatés et quelques pistes pour se sortir d'une potentielle addiction.

Les effets

immédiats

Le striatum est une structure nerveuse qui est impliqué, entre autre, dans la motivation alimentaire ou sexuelle. Il possède de nombreux neurones qui distribuent de la dopamine, une molécule biochimique qui influence directement le comportement. Cette molécule renforce les actions habituellement bénéfiques en provoquant une sensation de plaisir afin d'activer le système de récompense/renforcement, et joue un rôle dans la motivation et la prise de risques chez les mammifères.

Le striatum (en rouge)

Une réponse se trouve dans une étude pour déterminer si les femmes présentent des niveaux d'empathie et de contagion émotionnelle plus élevés que les hommes. Même si cette idée peut être motivée par une question de perception et de stéréotypes sociaux, car les femmes semblent dans les résultats être plus motivées à se montrer empathiques lorsque cela est socialement attendu d'elles, il s'avère que regarder de la pornographie a augmenté fortement l'activité dans le striatum.

En utilisant une imagerie par résonance magnétique (IRM), l'observation d'hommes cherchant de l'aide pour une utilisation problématique de la pornographie (PPU) comparé à des hommes sans PPU, a révélé une activité cérébrale accrue dans le striatum lorsqu'ils anticipaient des récompenses érotiques. On présentait une image qui permettait à l'utilisateur de savoir ce qu'il allait voir par anticipation, et les réactions, pour les personnes PPU, étaient plus grandes lorsqu'on montrait l'image d'anticipation que l'image réelle. En gros, il y aurait une addiction à l'anticipation de la pornographie, et non une addiction à visionner cette pornographie. Cette réponse, semblable à celle des toxicomanes, est liée à la gravité de leur PPU, la consommation de pornographie et la fréquence de masturbation. Les résultats suggèrent que la PPU partage des caractéristiques avec les addictions à l'alcool, la cigarette et aux jeux, en proposant une récompense au cerveau par anticipation, et non par consommation.

à long terme

A l'institut Max Planck, des hommes en bonne santé ont participé a des scans IRM pour mesurer le volume de matière grise du cerveau et la connectivité fonctionnelle au repos. Les résultats ont montré une association négative significative entre le temps passé à regarder de la pornographie et le volume de matière grise, qui permet le traitement des informations, dans une partie du cerveau appelée le noyau caudé droit et le putamen gauche (notre fameux striatum). Regarder fréquemment de la pornographie pourrait entraîner des changements dans la plasticité neuronale, c'est-à-dire la façon dont le cerveau s'adapte, et une atrophie cérébrale (perte de neurones et des connexions entre eux). Cela pourrait être dû à une stimulation intense du système de récompense et à une moindre régulation par les zones du cerveau responsables du contrôle et de la prise de décision (cortex préfrontal). Cela suppose une corrélation entre l'abus de laisser la zone de récompense et de plaisir prendre le dessus et le manque de raisonnement.

Toutefois, même si une corrélation est établie, il n'est pas démontré une causalité : cela ne prouve pas que regarder de la pornographie détruit les cellules grises ou rend idiot. Cela peut vouloir dire que ceux qui ont une moindre régulation du traitement des informations sont plus susceptibles de développer une addiction au porno.

psychologiques

Comme pour la consommation de drogue, toute addiction a un lien avec la dépression et l'anxiété. Si certains n'ont pas de problèmes avec une consommation occasionnelle, d'autres peuvent tomber dans un cercle vicieux. De nombreuses corrélations ont été faites entre regarder du porno, dépression et anxiété. Parmi les consommateurs, 25% pensent que cela a un effet positif, mais 64% pensent que l'impact peut être négatif. Parmi les effets corrélés, il est noté :

  • insomnie 12%
  • irritabilité 26%
  • anxiété 9%, dépression 13%
  • baisse de la libido 17%
  • néglige les responsabilités 20%

Encore une fois, le lien de cause à effet n'est pas démontré et la dépression peut être la cause d'une recherche de dose de dopamine et donc d'un visionnage de pornographie. En tout cas, même si la simple coïncidence aléatoire existe, il semble toutefois que la probabilité de dépression, ou autre effets négatifs, augmente proportionnellement avec la probabilité de visionnage.

L'assuétude

Comme un alcoolique peut faire abus des boissons alcoolisées, le pornolique peut ressentir une irrépressible envie de visionner de la pornographie. Toutefois, n'est pas pornolique qui en consomme seulement de manière régulière. Il faut en effet que cette régularité s'accompagne de sensation de manque ou de troubles relationnels ou personnels. Si vous pouvez vous en passer pendant 3 semaines, ou qu'il n'y a pas d'impacts dans vos relations, que vous ne ressentez pas de honte/culpabilité, de gêne dans votre vie personnelle, de difficulté à apprécier une sexualité avec un partenaire, ou que la durée de visionnage ne dépasse pas 3h/4h par jour, il y a peu de chance que vous ayez une addiction à la pornographie. Dans le cas contraire, il est possible que cette activité prenne une part trop importante dans votre vie et il faudra nécessairement travailler à en sortir, ou tout du moins à déplacer le shoot de dopamine sur d'autres objectifs plus enrichissants. Il est aussi possible que vous ne vouliez simplement plus en regarder, voici donc quelques pistes pour vous accompagner.

Accepter cette condition

Pour surmonter une dépendance, il faut accepter d'avoir un problème. C'est la première étape vers le changement, le début d'une recherche de solutions et de soutien. Cette prise de conscience est essentielle pour ouvrir la voie à des démarches constructives pour s'en sortir et amorcer un processus de guérison et comprendre pourquoi vous le faîtes. Ne vous sous-estimez pas, personne n'est parfait, mais devenir une meilleure version de soi est largement dans les cordes de tout le monde. Ne remettez pas au lendemain ce que vous pouvez commencer dès aujourd'hui.

Accepter de changer d'habitude

Afin d'éviter l'isolement et lutter contre la dépendance, il convient de se fixer des objectifs. Des activités et des loisirs motivants doivent faire partie de votre quotidien, que cela soit par le sport, l'art, ou encore le bénévolat. Oui la dose de dopamine risque de ne pas être aussi satisfaisante au départ, mais vous devez commencer à développer petit à petit une activité qui occupera votre esprit et votre temps. Vous devez faire en sorte de déplacer votre shoot de dopamine pornographique sur une activité émotionnelle différente, qui grandira avec le temps. Cela passe aussi par une étape d'établissement de limites de votre exposition aux médias pornographiques. Comme un fumeur peut être tenté par un paquet posé sur la table, l'accès facile et rapide aux sites pornographiques doit être limité au maximum. Vous pouvez vous faire aider dans ce sens par l'installation de programmes limitant l'accès à la pornographie sur internet, qui ne sont pas utiles que pour les enfants. Aussi, gérer le stress est tout aussi important, et vous pouvez améliorer votre bien-être à l'aide d'exercices de relaxation et d'exercices physiques.

Se masturber sans porno
C'est votre cerveau qui recherche un shoot de dopamine, ceci dans le but de réguler votre humeur, de vous sentir apaisé ou relaxé. L'homme a une capacité à fantasmer assez élevée et le cerveau peut utiliser cette capacité pour accéder régulièrement à sa dose. La sexualité étant avant tout un acte de partage, si vous avez l'impression d'avoir besoin de regarder du porno pour satisfaire votre humeur, il faut reprogrammer le cerveau en espaçant l'accès à la pornographie afin de lui faire comprendre qu'il n'en a pas autant besoin qu'il s'en donne l'impression. Comme pour une personne obèse souhaitant retrouver la ligne, rentrer de nouveaux paramètres dans le cerveau est un travail qui peut prendre plusieurs mois, mais chaque jour passé à ne pas consommer de pornographie contribue à remodeler les connexions sur le long terme.

Accepter de vous faire aider

Pour vous aider à gérer une dépendance à la pornographie, une personne de confiance ou un thérapeute peut être un point de départ pendant une période de consommation difficile à gérer. Vous pouvez me contacter ou contacter certains organismes comme :

  • le Fil Santé Jeunes, ouvert au 15-25 ans, au numéro 0800.235.236 (ou 01.44.93.30.74), de 9h à 23h (filsantejeunes.com/qui-sommes-nous).
  • Drogues info service : 0800.23.13.13 (ou 01.70.23.13.13), de 8h à 2h.
  • Des groupes de soutiens comme l'association DECLIC (https://assodeclic.com/)
  • Consultation d'addictologie dans un service hospitalier.

Dans l'absolu, vous devez trouver des mécanismes qui fonctionnent pour vous. Et si vous continuez à regarder du porno, pensez que, comme manger, tant que c'est à une fréquence convenable, dans un état d'esprit sans problématique, et que vous trouvez votre juste milieu, alors tout va bien.

Sources
The Prevalence of Using Pornography for Information About How to Have Sex
Brain Structure and Functional Connectivity associated with Pornography Consumption : The brain on porn
Can pornography be addictive - an fmri study of men seeking treatment for problematic pornography use
Neural correlates of sexual cue reactivity in individuals with and without compulsive sexual behaviours
Pornography a concealed behavior with serious consequences
High frequency pornography use may not always be problematic
Prevalence patterns and self perceived effects of pornography consumption


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