Dans toutes les espèces mammifères qui ont une fertilisation femelle interne (humains y compris), les mâles font face à un problème d’adaptation contrairement aux femelles : l’incertitude de la paternité des progénitures, le mâle peut investir des ressources dans une progéniture qui ne lui est pas reliée génétiquement. Les multiples coûts de reproduction ont imposé une pression de sélection très forte sur les mâles pour se défendre d’une tromperie. La littérature regorge d’exemples montrant ces mécanismes comme sur les lions, les merles, les colombes, de nombreux insectes et les primates.

Les humains montrant plus d’investissement paternel que 200 espèces de primates, cette pression de sélection doit être particulièrement intense sur les mâles humains. Des hypothèses sur la jalousie sexuelle sont apparues comme solution à ce problème d’adaptation. Les mâles qui étaient indifférents aux contacts sexuels entre leur partenaire et d’autres mâles ont expérimenté une paternité incertaine plus grande, un plus grand investissement dans la compétition des gamètes et un plus faible succès de reproduction que leurs homologues qui faisaient attention aux signaux d’infidélité et agissaient pour augmenter leur probabilité de paternité.

Bien que les femelles n’aient pas le souci d’incertitude de maternité, elles risquent la perte potentielle de temps, de ressources et d’engagement du mâle qui peut choisir des partenaires alternatifs. Cette redirection de l’investissement du mâle sur une autre femelle est très coûteuse pour la femelle, surtout si l’environnement nécessite l’investissement des deux parents dans la survie et la reproduction des progénitures elles-mêmes.

La jalousie est définie comme un état émotionnel perçu d’une menace sur la relation qui favorisent les comportements pour contrer cette menace.

L’hypothèse est que les évènements qui activent la jalousie au niveau physiologique et psychologique diffèrent entre les hommes et les femmes dû aux différentes adaptations des humains dans leurs relations et leurs capacités de reproduction. Il y aurait donc une infidélité sexuelle, et une infidélité émotionnelle, chaque sexe ayant une réponse différentes pour faire face aux problèmes d’adaptation rencontrés.

Trois études ont testé cette hypothèse et ont montré de grandes différences entre les sexes, confirmant les liens hypothétiques entre les sexes dans l’activation de la jalousie.

Détresse subjective face à l’implication du partenaire

Cette première étude teste le niveau de stress et de bouleversement quant à l’infidélité sexuelle et émotionnelle sur les individus hommes et femmes. Les sujets devaient répondre à des questions et sélectionner l’évènement qui les dérangeait le plus :

Pensez à une relation amoureuse sérieuse que vous avez eu, que vous avez, ou que vous aimeriez avoir. Imaginez que vous découvrez que cette personne avec qui vous êtes sérieusement investi(e) devienne intéressé(e) par quelqu’un d’autre. Qu’est-ce qui vous dérange le plus (entourez la bonne réponse) :

  • Imaginer votre partenaire former un attachement émotionnel profond avec cette personne
  • Imaginer votre partenaire prendre plaisir lors d’un rapport sexuel avec cette personne

Après quelques questions, le même dilemme est proposé mais avec deux choix différents :

  • Imaginer votre partenaire essayer différentes positions sexuelles avec cette personne
  • Imaginer votre partenaire tomber amoureux de cette personne

Les résultats rapportent une différence significative : les hommes sont plus stressés par la possibilité d’une infidélité sexuelle, et les femmes plus stressées par la possibilité d’une infidélité émotionnelle.

Réponses physiologiques à l’implication du partenaire

Compte tenu des résultats précédents, des mesures de l’activité électrodermique (AED), évaluées par la conductance cutanée et le pouls qui sont des indicateurs de l’activation du système nerveux autonome, et une mesure de l’activité musculaire dans la région frontale, le muscle corrugator supercilii, responsable du froncement des sourcils observé lors d’émotions ou d’affects désagréables.

Les sujets devaient imaginer 2 scénarios où leur partenaire était impliqué(e) avec une autre personne, l’un pour des rapports sexuels, l’autre pour un attachement émotionnel.

Les hommes montrent une plus grande réaction AED à l’infidélité sexuelle. Les femmes montrent une réaction AED plus grande à l’infidélité émotionnelle.

Les hommes montrent des plus grandes réactions de pouls au deux types d’infidélité que les femmes, avec une réponse à l’infidélité sexuelle plus grande. Les femmes montrent aussi de grandes réactions de pouls mais sans différence significative.

Les réactions musculaires montrent une tendance équivalente à l’AED.

Contextes qui activent le mécanisme de la jalousie

Cette étude a teste l’effet d’être dans une relation sexuelle engagée sur l’activation de la jalousie.
Les sujets devaient lire les instructions suivantes :

Pensez à une relation amoureuse sérieuse que vous avez eu, que vous avez, ou que vous aimeriez avoir. Imaginez que vous découvriez que la personne avec qui vous étiez sérieusement investi(e) devenait intéressé par quelqu’un d’autre. Qu’est-ce qui vous dérangerez le plus ?

  • Imaginer votre partenaire tomber amoureux et former un profond lien émotionnel avec cette personne
  • Imaginer votre partenaire avoir un rapport sexuel avec cette personne

Il était demandé également aux sujets s’ils avaient déjà été dans une relation sérieuse et si cette relation était accompagnée de rapports sexuels.

Les résultats confirment l’étude 1 avec une proportion plus importante d’hommes (49% contre 19%) qui seraient plus stressés par une infidélité sexuelle qu’émotionnelle.

Pour les personnes ayant déjà eu une relation amoureuse avec sexe, pour les femmes, cette différence est faible et non significative avec les personnes n’ayant pas déjà eu une relation amoureuse avec sexe. Pour les hommes, cette différence est grande et significative, elle passe de 55% à 29%. Cette jalousie sexuelle semble s’accentuer avec l’expérience d’une relation importante.

Tendances

Ces études se limitent à une catégorie d’âge et de culture. Les prédictions sont que :

  • la jalousie sexuelle du mâle et la jalousie émotionnelle de la femelle devraient être plus grandes dans des cultures où les mâles investissent beaucoup dans leurs progénitures
  • la jalousie sexuelle du mâle diminue avec l’âge de ses partenaires parce que leur valeur de reproduction diminue

Même si les comportements peuvent être corrélés à d’autres facteurs, on ne peut que constater empiriquement une tendance comportementale différente du processus de jalousie suivant le sexe.

Les hommes, suivant leur engagement, ont tendance à créer une jalousie sexuelle plus importante que les femmes, qui à l'inverse ont tendance à créer une jalousie émotionnelle plus importante. C'est une priorité et non "l'un ou l'autre".


source : https://journals.sagepub.com/doi/10.1111/j.1467-9280.1992.tb00038.x


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *