Quel est ton parcours ?

Je ne vais pas rentrer dans les détails d'un parcours atypique, mais après 10 ans au Ministère de la Défense où je m'occupais de former les personnels, j'ai décidé de voir d'autres horizons et valider un master en ingénierie pédagogique. J'ai passé les 10 années suivantes à travailler dans le multimédia comme formateur pour adulte au début et professeur par la suite dans un lycée après avoir réussi le concours. Pendant ces années passées au côté des élèves, j'ai pu remarquer que, malgré la facilité d'accès aux réseaux et à la connaissance, ils n'étaient pas mieux lotis que les adultes. Le système les pousse à reproduire les mêmes erreurs, privilégiant le plaisir immédiat et ne mesurant que difficilement, voire aucunement, les conséquences. J'ai pu voir certaines idées participant à ce système s'inviter et prendre une part importante dans la construction de ces futurs citoyens, prônant la liberté sans les devoirs, favorisant l'égalité des résultats au lieu de l'égalité des chances, et limitant fortement l'esprit critique.

La lecture des statistiques m'inquiète car je peux voir que d'une manière générale, il y a de plus en plus de personnes qui se sentent malheureuses, malgré un apparent confort de vie jusque là jamais atteint dans toute l'histoire de l'humanité. Force est de constater qu'il existe en partie un lien fort entre cette tristesse et les relations amoureuses et intimes. Après quelques années de réflexion, et comme les cours "d'éducation à la sexualité" sont maintenant obligatoires dans les établissements scolaires, j'ai alors pris la décision de mettre à profit mes compétences dans l'apprentissage de la sexologie en intégrant l'Institut de sexologie, avec le docteur Jacques Waynberg.

Pourquoi la sexologie ?

Pour avoir une meilleure compréhension de nous-même. La sexualité fait partie de nous, que nous le voulions ou non, que nous la consommions ou non. Il faut rester humble devant notre animalité pour mieux la maîtriser et essayer d'en sortir quelque chose de positif. Le but est de pouvoir partager avec les personnes qui n'ont pas pris ce temps, aider ceux qui éprouvent des difficultés et qui souhaitent se relever pour avancer, améliorer notre vision de l'amour, des relations, de l'érotisme, et de fait une bonne partie des relations humaines.

Concrètement, tu fais quoi ?

Je me sers de la science et de la recherche, que cela soit pour de la prévention ou une consultation, afin de partager et trouver des solutions à un problème donné. Plusieurs outils peuvent être utilisés dans le processus comme l'écoute, le questionnement, l'analyse et les exercices, qui vont permettre de contextualiser, réfléchir sur des points de vue, s'entraîner et s'améliorer.

Il s'agit de comprendre et d'accepter les besoins, avec une ouverture d'esprit réelle, sans y mêler les aprioris ou les jugements personnels. C'est-à-dire faire preuve de neutralité. Le but n'est pas de dire aux personnes quoi faire, mais d'une part de les rassurer et d'autre part de les emmener à réfléchir sur la situation et de trouver un moyen de faire correspondre envies, ambitions et réalité. Dans certains cas, des exercices et objectifs, à réaliser seul ou en couple, peuvent être conseillés.

Une des difficultés que je peux rencontrer provient souvent de l'envie d'une solution rapide sans réelle volonté de comprendre. C'est pourtant un passage obligatoire si l'on souhaite avancer et ne pas reproduire nos erreurs.

Un sexologue est un médecin ?

Non, un médecin est un spécialiste de la santé médicale, il est chargé de guérir les maladies, les pathologies et les blessures. Si vous êtes en souffrance physique ou voulez du viagra, il faut consulter un médecin. Le médecin peut devenir sexologue s'il s'en fait une spécialité.

Un sexologue est un spécialiste de la santé intime. La sexologie est l'étude de la sexualité, et comme son nom ne l'indique pas, ce n'est pas l'étude des organes génitaux : ils sont trop simples et assez inintéressants en réalité. La sexologie utilise plusieurs domaines scientifiques comme la biologie, la sociologie, la psychologie et l'anthropologie, pour étudier par exemple les troubles sexuels, mais également les sujets qui animent les humains comme la séduction, l'amour ou l'érotisme.

Je fais des consultations, je peux aider à y voir plus clair dans une vie de couple, à gérer un trouble sexuel ou de relation, donner des conseils, etc., mais je ne suis pas médecin, je ne prescrit aucun médicament.

La science, c'est ton dada ?

Oui, la science est une fondation de mon rapport au réel. L'agnosticisme, l'épistémologie et la zététique sont mes principaux outils. La science est une base qui sert à la recherche, elle peut évoluer suivant les découvertes ou les nouvelles données et n'est pas "bloquée". Elle ne professe aucune vérité mais essaye de raconter LA vérité, en tout cas celle qui explique le mieux notre compréhension de la réalité. La méthode pour arriver au résultat est considérée tout aussi importante que le résultat lui-même, ce n'est ni une idéologie, ni une religion.

D'ailleurs, si la science était une religion, elle est la seule qui n'en est plus une lorsqu'elle est pratiquée.

Ce que tu aimes (ou pas)

A part ma femme et mes 3 enfants, qui serait une réponse trop facile, j'aime l'incroyable improbabilité de la création de la vie et de son évolution. J'aime aussi la raclette, même si ça n'apporte rien au sujet.

Je n'aime pas le yakafokon, comme les "il faut que" et "il suffit de". Ce sont souvent des solutions simplistes qui dans les faits s'avèrent irréalistes, chaque patient étant unique. Je n'aime pas les arguments qui consistent à dire que "un truc bien", c'est mieux que "un truc pas bien", n'est-ce pas évident ? Je n'aime pas qu'on fasse croire qu'il faudrait oublier le passé ou au contraire le ressasser. La vie se construit au présent, et les difficultés passées sont l'expérience. On doit se construire chaque jour pour devenir une meilleure version de nous-même, et cela tout au long de la vie.

J'aime à croire qu'il est possible pour nous de créer une civilisation scientifique terrienne. C'est une utopie mais malgré les apparences médiatiques, nous n'en sommes relativement pas très loin. C'est en tout cas ce que je souhaite pour nos descendants. J'imagine que beaucoup ont aussi ce désir en eux ou quelque chose d'équivalent, il ne faut pas s'empêcher de rêver.

Psst, tu as un problème avec les féministes/lgbt ?

Non, je n'ai aucun problème à ce que chacun puisse dire ce qu'il a envie de dire, d'avoir ses opinions et de partager sa vision, je pense même que les actes militants peuvent participer à la construction d'un avenir meilleur, ouvrant la réflexion sur de nouveaux sujets. Le point qui me dérange est l'extrémisme de certains propos qui mettent de côté la science ou la détourne, au profit d'une communauté et au détriment d'une autre, au lieu de privilégier et de protéger tous les individus. On ne mesure plus les conséquences de certaines balivernes qui sont plus de l'ordre du dogme que de la réalité. Pour moi, la fin justifie les moyens seulement s'il n'y a pas d'autre solution, et il est évident ici qu'il y a d'autres moyens que "la haine de l'autre" pour essayer de créer des effets bénéfiques. Certains groupes "masculinistes" commettent d'ailleurs les mêmes erreurs, j'ai d'ailleurs écrit un article sur le sujet.

Et l'éducation à la sexualité ?

Mon véritable souci est avec l'agenda que certains proposent. Je n'aime pas trop le terme "éducation" car il fait intervenir le développement des facultés intellectuelles mais également la morale. La morale ne devrait pas entrer en compte dans l'instruction, si ce n'est que pour (re)présenter les résultats des normes actuelles. Le mot "sexualité" aussi me pose problème car cela peut faire penser que cela se résume au "sexe", au génital. Je préfèrerais utiliser l'instruction à l'intimité, c'est un détail sémantique mais il est important à mes yeux.

Comme diraient certains, il vaut mieux apprendre à quelqu'un à pêcher que de lui donner du poisson. Ainsi, chaque citoyen, aidé de connaissances sur l'évolution humaine, son histoire, ses traits, ses comportements et ses émotions aura une base de réflexion et une meilleure compréhension de sa propre existence et de celle des autres. Il ne faut pas que ce sujet devienne un sujet politique qui crée la division.

Le but de la sexologie, comme toute science, n'est pas de savoir ce qui est bien ou non, mais de savoir ce qui est.